Introduction

Le présent document définit et examine les éléments de politique élaborés par le Comité canadien de l’harmonisation des codes de construction (CCHCC) concernant l’élaboration et la mise en œuvre dans les codes d’un objectif relatif aux émissions de gaz à effet de serre (GES) et des dispositions connexes pour les maisons et les bâtiments neufs au Canada (« codes axés sur les émissions de GES »). Les enjeux ont d’abord été cernés par les provinces et les territoires en tant qu’éléments nécessitant des considérations stratégiques afin d’appuyer l’élaboration des dispositions techniques.

Les présentes positions stratégiques découlent des recommandations stratégiques qui ont été soumises à des consultations publiques et examinées par le Conseil consultatif sur l’harmonisation des codes de construction, ainsi que de l’analyse des commentaires reçus lors de ces consultations.

Les présentes positions stratégiques portent sur les émissions de GES opérationnelles. Les politiques concernant exclusivement les émissions de GES intrinsèques seront abordées à la fin de 2023 ou au début de 2024. Il est prévu que le présent document sera modifié afin d’incorporer les orientations stratégiques pertinentes liées spécifiquement aux émissions de GES intrinsèques.

Il faut préciser que les codes modèles nationaux sont mis en application à l’étape de la demande de permis de construire. On ne cherche pas à intégrer des exigences qui nécessitent une analyse comparative ou tout autre programme continu de gestion de la performance ou de surveillance.

Contexte

Les codes modèles nationaux contiennent déjà un objectif d’efficacité énergétique et des exigences connexes visant la conception et la construction de maisons et de bâtiments neufs. Des paliers d’efficacité énergétique ont été introduits dans les éditions de 2020 du Code national de l’énergie pour les bâtiments – Canada (CNÉB) et du Code national du bâtiment – Canada (CNB). Les paliers comprennent des mesures qui augmentent l’efficacité énergétique et réduisent la quantité d’énergie nécessaire à l’exploitation d’un bâtiment de manière progressive.

Toutefois, les codes modèles nationaux ne tiennent actuellement pas compte du type ou de la qualité de la source d’énergie utilisée par les bâtiments et les maisons, ni des émissions de GES intrinsèques.

En novembre 2022, le CCHCC a adopté l’orientation établie par la Commission canadienne des codes du bâtiment et de prévention des incendies, qui vise notamment :

  • l’élaboration d’objectifs qui tiennent compte des émissions de GES en vue de leur inclusion dans les codes modèles nationaux de 2025;
  • l’élaboration de propositions d’exigences techniques relatives aux émissions de GES opérationnelles en vue de leur inclusion dans les codes modèles nationaux de 2025;
  • l’élaboration de propositions d’exigences techniques relatives aux émissions de GES intrinsèques en vue de leur inclusion dans les codes modèles nationaux de 2030; et
  • l’élaboration de politiques et, en parallèle, l’élaboration d’objectifs et d’exigences techniques.

L’ajout de nouveaux objectifs et de nouvelles exigences techniques dans les codes modèles nationaux vise à réduire les émissions de GES causées par les bâtiments afin d’aider à atténuer les changements climatiques et de contribuer à l’atteinte des objectifs climatiques fédéraux, provinciaux et territoriaux (FPT). Environ 27% 1 des émissions de GES du Canada sont causées par les bâtiments. Il est donc important d’aborder les émissions de GES dans les codes afin de rendre possibles les mesures à prendre pour atteindre les objectifs climatiques. De plus, pour atteindre des objectifs climatiques à long terme, il faut rapidement mettre en œuvre des politiques sur les émissions de GES opérationnelles qui visent le long terme.

Les codes modèles nationaux peuvent contribuer à l’atteinte de l’objectif FPT ambitieux de la carboneutralité des bâtiments. Il convient toutefois de noter que la compensation des émissions de carbone et les crédits de carbone sont considérés comme hors de la portée des codes.

Positions stratégiques

Définitions
Le CCHCC recommande que les définitions opératoires suivantes soient utilisées pour guider l’élaboration des exigences des codes :

Un bâtiment ou une maison à émissions opérationnelles nulles ou presque nulles est conçu et construit de façon à éliminer ou à réduire au minimum les émissions de GES opérationnelles grâce à des mesures d’efficacité énergétique et aux sources d’énergie choisies.

Les coefficients d’émissions représentent les émissions de GES des sources d’énergie (en équivalents CO2, ou CO2e, produits par unité d’énergie consommée).

Les émissions de GES opérationnelles sont liées à la quantité d’énergie consommée et au coefficient d’émissions de la source d’énergie servant à l’exploitation d’un bâtiment. Les émissions de GES opérationnelles sont décrites ci-dessous comme des émissions de portée 1 ou de portée 2 :

PortéeDescription Exemples d’équipement
1 (directes)Émissions de GES produites par la combustion de combustibles sur place, principalement des hydrocarbures (p. ex., combustibles fossiles) Appareils au gaz naturel, au propane, au mazout ou à combustible solide; système de production combinée de chaleur et d’électricité; thermopompe à moteur à gaz
2 (indirectes)Émissions de GES produites par des sources d’énergie hors site (p. ex., électricité achetée)Équipement électrique, équipement qui utilise de l’énergie achetée, chauffage ou refroidissement centralisé

Interaction entre les codes et les politiques, programmes et cibles fédéraux, provinciaux et territoriaux sur la réduction des émissions de GES
Un projet de recherche a été entrepris dans le but d’analyser l’interaction entre les codes et les politiques, programmes et cibles fédéraux, provinciaux et territoriaux (FPT) sur la réduction des émissions de GES opérationnelles et intrinsèques. Voici ses conclusions :

  • De nombreuses politiques portent sur l’atténuation des émissions dans les administrations FPT au Canada. Environ un tiers de ces politiques visent les bâtiments ou les maisons.
  • La majorité des politiques prévoient des mesures volontaires (p. ex., des subventions) et se concentrent sur le parc immobilier existant.
  • L’ensemble analysé comprend à la fois des politiques ciblées et des politiques plus générales.
  • Très peu de politiques portent sur les émissions intrinsèques.
  • Les codes du bâtiment jouent un rôle important en établissant une norme minimale, servent de complément aux politiques existantes et comblent des lacunes dans celles-ci.

Recommendation : Étant donné leur nature fondamentale pour la conception et la construction des bâtiments, les codes modèles nationaux sont des instruments appropriés pour aborder la réduction des émissions de GES opérationnelles et intrinsèques des bâtiments et des maisons. Ils servent également de complément aux autres instruments de politique, comme les politiques énergétiques et les politiques sur les émissions, afin de contribuer à l’atteinte des objectifs climatiques FPT.

En ce qui concerne le calendrier, il est recommandé :

  • que les exigences techniques relatives aux émissions de GES opérationnelles soient introduites dans l’édition de 2025 des codes;
  • que les exigences techniques relatives aux émissions de GES intrinsèques soient introduites dans l’édition de 2030 des codes; et
  • que ces travaux orientent l’application subséquente des exigences dans le cas des transformations apportées aux bâtiments existants.

Ce calendrier prend en compte les discussions antérieures du CCHCC tout en reconnaissant qu’il reste du travail à faire sur le plan des émissions de GES intrinsèques (p. ex., au sujet des matériaux à faibles émissions de GES intrinsèques) avant que des solutions techniques puissent être proposées. Le calendrier prend également en considération la proposition d’introduire dans les codes de 2025 les mesures d’efficacité énergétique prises lors de transformations apportées aux bâtiments existants. L’introduction d’exigences relatives aux émissions de GES opérationnelles et intrinsèques devrait donc suivre pour cette application.

Principes directeurs et objectifs ultimes
Harmonisation à l’intérieur d’un cadre de travail souple

Pour les maisons et les bâtiments neufs, les codes doivent prévoir des solutions favorisant les émissions opérationnelles nulles ou presque nulles afin de soutenir les cibles provinciales, territoriales et fédérales en matière de réduction d’émissions de GES ainsi que les plans d’action relatifs aux changements climatiques.

Comme pour les paliers d’efficacité énergétique, de nombreux avantages découleront d’une approche par paliers dans le cadre de la transition des provinces et des territoires vers une économie à faibles émissions de carbone, notamment :

  1. permettre une approche souple qui tient compte des circonstances propres à chaque province ou territoire (p. ex., propreté du réseau électrique, disponibilité de combustibles propres); et
  2. informer l’industrie canadienne et la faire progresser en se fondant sur les apprentissages et l’expérience des provinces et des territoires qui ont déjà adopté les exigences de performance plus élevées dans un contexte d’harmonisation entre les administrations vers un objectif d’émissions opérationnelles nulles ou presque nulles.

Recommendation : Qu’un cadre de travail par paliers soit élaboré dans le CNÉB et le CNB, les paliers allant progressivement vers des émissions de GES opérationnelles nulles ou presque nulles.

Recommendation : Que les exigences relatives aux émissions de GES soient distinctes des paliers de performance énergétique du CNB et du CNÉB, mais qu’elles soient élaborées de façon à ne pas empêcher le jumelage des exigences de diverses manières.

Pour ce qui est des facteurs régionaux, l’approche par paliers permettra d’offrir une certaine souplesse afin de tenir compte de différents enjeux liés aux sources d’énergie. Les provinces et les territoires pourront ainsi adopter des solutions adaptées à leur bouquet énergétique et choisir différents niveaux selon la région au sein de leur administration. Le besoin d’exigences administratives sera évalué au cours de l’élaboration des solutions techniques.

Portée des exigences relatives aux émissions de GES opérationnelles
Le CCHCC a examiné les avantages et les inconvénients de la prise en compte des émissions de portée 1 seulement par rapport à la prise en compte des émissions de portée 1 et de portée 2, dans les codes modèles nationaux, tout en gardant à l’esprit que la prise en compte des émissions de portée 1 seulement pourrait mener à des choix de conception qui ne réduisent pas les émissions totales de GES. Le CCHCC a aussi examiné les avantages et les inconvénients de diverses méthodes pour déterminer des coefficients d’émissions qui reflètent la variabilité des émissions liées au réseau (portée 2).

Recommendation : Que les émissions de portée 1 et de portée 2 (c.-à-d. tous les types de combustibles) soient prises en compte afin d’obtenir une évaluation plus réaliste des émissions de GES d’un bâtiment.

Recommendation : Que des coefficients d’émissions normalisés et fixes permettant de démontrer la conformité aux dispositions sur les émissions de GES soient établis pour chaque province ou territoire en se fondant sur les données d’Environnement et Changement climatique Canada et, le cas échéant, sur des données provinciales ou territoriales propres à chaque province ou territoire. Cette méthode pourrait évoluer de manière à tenir compte de l’incidence d’autres politiques et programmes sur les tendances des émissions de GES au fil du temps. Compte tenu de l’incidence sur les politiques et de la complexité des données sur les émissions, les provinces et les territoires devront peut-être faire appel à plusieurs de leurs ministères pour déterminer les coefficients normalisés d’émissions qui sont propres à chaque province ou territoire.

Méthodes de conformité
Pour toute cible choisie, les options de conformité pourraient inclure :

  • des méthodes de performance – au moyen de logiciels de modélisation énergétique permettant de démontrer la conformité à des cibles spécifiques; et
  • des méthodes prescriptives – au moyen de solutions acceptables qui permettraient d’atteindre des cibles spécifiques.

Afin de continuer à offrir de la souplesse pour la conception et la construction de maisons et de petits bâtiments, le CNB pourrait contenir une méthode de performance et une méthode prescriptive. Les exigences prescriptives du CNÉB seraient également utiles dans le cas des bâtiments conçus sans modélisation énergétique.

Recommendation : Que les deux options de conformité, soit une méthode de performance et une méthode prescriptive, soient élaborées dans le CNB et le CNÉB.

Mesures
Diverses mesures pourraient être utilisées pour évaluer les émissions de GES opérationnelles associées aux bâtiments. Par exemple, le cadre de travail par paliers pourrait utiliser des mesures fondées sur un bâtiment de référence ou sur l’intensité, des mesures absolues ou une combinaison de mesures.

  • Une mesure fondée sur un bâtiment de référence établit un seuil maximal des émissions de GES pour un bâtiment proposé comparativement à celles d’un bâtiment de référence (exprimé en pourcentage d’émissions de GES inférieures ou égales à celles du bâtiment de référence).
  • Une mesure fondée sur l’intensité établit un seuil maximal des émissions de GES par aire de plancher du bâtiment (exprimé en kg CO2e/m2/année).
  • Une mesure absolue établit un seuil maximal des émissions de GES par bâtiment (exprimé en kg CO2e par bâtiment). Une mesure absolue n’est pas normalisée en fonction des dimensions du bâtiment, ce qui permet aux concepteurs et aux constructeurs de faire des choix en ce qui concerne les remplacements de sources de combustible ou d’équipement, les mesures d’efficacité énergétique ainsi que la conception ou les dimensions du bâtiment.

Recommendation : Que les mesures soient examinées attentivement afin de favoriser l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de GES.

Considérations relatives à l’adoption et à la mise en œuvre, y compris l’abordabilité
La mise en œuvrede nouvelles exigences et de nouveaux objectifs relatifs aux émissions de GES entraînera une augmentation des activités commerciales dans le secteur de la construction, appuyant ainsi une économie à faibles émissions de carbone tout en aidant à atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES. Les politiques FPT, locales ou municipales déjà en place ou à venir soutiennent les capacités de l’industrie et offrent un cadre de travail favorisant la décarbonisation et le renforcement des capacités. Les besoins futurs sur le plan du renforcement des capacités seront comblés par les centres privés de formation, les syndicats, les établissements postsecondaires, les associations et les fabricants qui offrent de la formation aux travailleurs cherchant à acquérir des compétences et des connaissances sur la sobriété en carbone.

Le dialogue entre le CCHCC et le Conseil consultatif continuera de souligner les besoins des parties intéressées et les approches des autorités compétentes en ce qui a trait à la mise en œuvre.

L’abordabilité est une considération stratégique importante pour l’élaboration des exigences des codes du bâtiment relatives aux émissions de GES. Comme cela se fait normalement, une analyse des répercussions qui prend en compte les coûts et les avantages des modifications proposées aux codes sera effectuée lors de l’élaboration des exigences techniques visant l’atteinte des objectifs.

De plus, les économies de coûts de fonctionnement liés à l’énergie peuvent être réalisées en mettant l’accent sur l’efficacité énergétique. Pour les provinces et les territoires, l’optimisation des paliers énergétiques et des paliers de GES devrait être prise en compte en vue de l’adoption.

La souplesse des options de conformité, comme l’offre de diverses méthodes de conformité comportant des options axées sur la performance, comme il est recommandé ci-dessus, peut également avoir une incidence sur l’abordabilité. Par exemple, les méthodes de performance peuvent stimuler l’innovation dans la conception et la construction des bâtiments, en plus d’offrir aux concepteurs un plus grand nombre d’options pour se conformer aux codes de façon rentable.


1 C’est-à-dire 18 % d’émissions de GES opérationnelles, y compris les émissions liées à l’électricité (source : Ressources naturelles Canada (2022), Stratégie canadienne pour les bâtiments verts) et environ 9 % d’émissions de GES intrinsèques (estimation mondiale) (source : Programme des Nations Unies pour l’environnement (2022), Rapport sur l’état mondial des bâtiments et de la construction en 2022 : Vers un secteur des bâtiments et de la construction à émission zéro, efficace et résilient).